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Étretat, 16 de marzo de 1866
Si alguna cosa puede aliviar mi profundo dolor, es ver
que tu carta ha sido realmente comprendida, y ella, mi viejo amigo, me ha traído
el único consuelo que puede alcanzar precisamente mi corazón. Has evocado en mí
los recuerdos en común de nuestros jóvenes años y he vuelto a ver esa casa
de la gran avenida, llena de huéspedes tan queridos, a los que a casi todos
tomé aprecio. Mi pobre viejo padre, tan respetable y tan bueno, mi
hermano, tan inteligente, tan distinguido, tan excepcional, luego mi madre, mi
querida y excelente madre, yéndose la última para reunirse con los
demás... ¡Dios mío! que triste es la vida, y cómo, el tiempo en su discurrir,
siembra su camino de amargura. El terrible trance por el que atravieso, me ha
encontrado más fuerte de lo que habrías creído, incluso yo mismo estoy
sorprendida. He podido finalmente quedar cerca de los restos de nuestra querida
fallecida y he pasado dos noches cara a cara con ese rostro que ha encontrado,
en la serenidad suprema, alguna expresión de otras veces. La pobre Virginie1
acudió enseguida a mi llamada y se arrojó sollozando en mis brazos; pero
cuando le propuse llevar a mi madre a la cama, sus fuerzas la traicionaron, y la
vi en tal estado que tuve que sustituirla y enviarla a Bornambusc cerca de su
marido y sus hijos. Ella me ha dejado, en efecto, pero la angustia del
alejamiento le ha parecido más imposible de soportar, y ha encontrado
el valor de venir el día siguiente a compartir mi lúgubre vigilia. Siento
algún alivio hablándote de todo esto, porque conozco tu vieja y buena amistad.
He sido, particularmente tocada por una maldición, y no es descabellado que me
agarre ardientemente al pasado, repleto de dulces visiones; pero a ti, que la
vida de artista arrastra en su torbellino, a ti, mi querido Gustave, que has
visto realizarse ese sueño deslumbrador de la celebridad, has retenido, como
yo, la religión de las cosas de antaño; tú sabes hablar con el corazón, y es
fácil de adivinar que, tú también, miras todo este pasado como lo más feliz
de tu vida. Revives a menudo esa terraza llena de sol, y oyes todavía
cantar los pájaros de la pajarera.
Ahora es necesario que me esfuerce en volver mi
mirada hacia el futuro; tengo dos hijos, que amo con todas mis fuerzas, y que me
darán posiblemente todavía algunos bellos días. El más joven no es más que
un bravo pequeño paisano; pero el mayor ya es un joven serio. El pobre
muchacho ha visto y comprendido bien las cosas, y es casi demasiado maduro
para sus quince años. Él te recordará a su tío Alfred, y espero que tengas
con él unas buenas relaciones estando segura de que lo querrás. Acabo de verme obligada
a quitarlo del internado religioso de Yvetot, donde se me ha rechazado una
dispensa de comer carne en la vigilia exigida por los médicos; ¡es una
singular manera de comprender la religión de Cristo, o yo no me conozco!... Mi
hijo no está seriamente enfermo; pero sufre de un debilitamiento nervioso que
demanda un régimen muy tónico; y no le gusta mucho la austeridad de esta
vida enclaustrada que es perniciosa para su naturaleza impresionable y delicada,
el pobre niño se ahoga tras esos altos muros, que no dejan llegar ningún ruido
del exterior. Creo que lo voy a matricular en el Instituto del Havre por
dieciocho meses, y que me estableceré en París para los años de retórica y
filosofía. Hervé estará en régimen de media pensión en un colegio
cualquiera, y podré de ese modo vigilar por mi misma a mis dos queridos tesoros.
Como puedes ver, te he escrito ampliamente, mi querido
amigo, y siento que me ha hecho bien. Adiós; piensa alguna vez en nuestra
amistad de infancia y recibe un cordial y afectuoso apretón de manos.
LE POITTEVIN DE MAUPASSANT
No sé donde encontrarte ahora; te envío todavía esta carta a Croisset
1 Virginie Niel, prima de la señora Flaubert madre.
Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant
DE
LAURE DE MAUPASSANT
A GUSTAVE FLAUBERT
Étretat,
le 16 mars 1866.
Si quelque chose peut adoucir ma profonde douleur, c'est
de la voir réellement comprise, et ta lettre, mon vieil ami, m'a
apporté la seule consolation qui pût aller jusqu'à mon cœur. Tu as évoqué
pour moi les communs souvenirs de nos jeunes années, et j'ai revu cette maison
de la grande rue, peuplée d'hôtes bien-aimés, que le tombeau a pris presque
tous. Mon pauvre vieux père, si respectable et si bon ; mon frère, si
intelligent, si distingué, si exceptionnel ; puis ma mère, ma chère et
excellente mère, partie la dernière pour aller rejoindre les autres... Mon
Dieu ! que la vie est triste, et que le temps, qui s'en va toujours, sème
d'amertume sur sa route ! L'épreuve terrible que je viens de traverser, m'a
trouvée plus forte que tu ne l'aurais cru, que je ne l'aurais cru moi-même.
J'ai pu rester jusqu'à la fin près de la dépouille de notre chère morte, et
j'ai passé deux nuits en face de ce visage, qui avait retrouvé, dans le calme
suprême, quelque chose de son expression d'autrefois. La pauvre Virginie1 est
accourue tout de suite à mon appel, et s'est jetée en sanglotant dans mes bras
; mais quand je lui ai proposé de la conduire au lit de notre mère, ses forces
l'ont trahie ; et je l'ai vue dans un tel état que j'ai dû la supplier de s'en
retourner à Bornambusc près de son mari et de ses enfants. Elle m'a quittée
en effet ; mais l'angoisse de l'éloignement lui a paru plus impossible encore
à supporter, et elle a trouvé le courage de venir le lendemain partager ma
lugubre veille ! J'éprouve quelque soulagement à te parler de tout cela, parce
que je connais ta vieille et bonne amitié. J'ai été, moi, tout
particulièrement frappée par le sort, et il n'est guère étonnant que je me
rattache ardemment au passé, tout rempli de douces visions ; mais toi, que la
vie d'artiste entraîne dans son tourbillon, toi, mon cher Gustave, qui as vu se
réaliser ce rêve éblouissant de la célébrité, tu as gardé pourtant, comme
moi-même, la religion des choses d'autrefois ; tu sais en parler avec le cœur,
et il est facile de deviner que, toi aussi, tu regardes tout ce passé comme le
plus heureux de ta vie. Tu la revois souvent, cette terrasse pleine de soleil,
et tu entends encore chanter les oiseaux de la volière !
A présent, il faut que je m'efforce de tourner mes
yeux vers l'avenir ; j'ai deux enfants, que j'aime de toutes mes forces, et qui
me donneront peut-être encore quelques beaux jours. Le plus jeune n'est
jusqu'à présent qu'un brave petit paysan ; mais l'aîné est un jeune homme,
déjà sérieux. Le pauvre garçon a vu et compris bien des choses, et il est
presque trop mûri pour ses quine ans. Il te rappellera son oncle Alfred, auquel
il ressemble sous bien des rapports, et je suis sûre que tu l'aimeras. Je viens
d'être obligée de le retirer de la maison religieuse d'Yvetot, où l'on m'a
refusé une dispense de maigre exigée par les médecins ; c'est une singulière
manière de comprendre la religion du Christ, ou je ne m'y connais pas !... Mon
fils n'est point sérieusement malade ; mais il souffre d'un affaiblissement
nerveux qui demande un régime très tonique ; et puis, il ne se plaisait guère
là-bas ; l'austérité de cette vie de cloître allait mal à sa nature
impressionnable et fine, et le pauvre enfant étouffait derrière ces hautes
murailles, qui ne laissaient arriver aucun bruit du dehors. Je crois que je vais
le mettre au lycée du Havre pour dix-huit mois, et que j'irai ensuite
m'établir à Paris pour les années de rhétorique et de philosophie. Hervé
sera demi-pensionnaire dans un collège quelconque, et je pourrai ainsi veiller
moi-même sur mes deux chers trésors.
Tu vois que je t'ai écrit longuement, mon cher
camarade, et je sens que cela m'a fait du bien. Adieu, pense quelquefois à
notre amitié d'enfance et reçois une bien cordiale et bien affectueuse
poignée de main.
LE
POITTEVIN DE MAUPASSANT
Je ne sais trop où te trouver maintenant ; j'envoie encore cette lettre à Croisset2.
1
Virginie Niel, cousine de Mme Flaubert mère.
2 lettre de Flaubert, Correspondance (éd. Conard, tome V, 1929, N° 840).
Puesto en formato html por Thierry Selva: http://maupassant.free.fr/