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Guy de Maupassant

Carta 343 
A MARIE BASHKIRTSEFF
(Original en francés)

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       calle Dulong., nº 83
[Fin abril 1884.]

      Señora,
      Vengo de pasar unos diez días en el mar, y por eso no le he podido responder antes. Me encuentro en París por algunas semanas, antes de alejarme de aquí durante el verano.
      Decididamente, Señora, usted no está contenta y me declara, mostrándome su malestar, que yo soy inferior.
      ¡Oh, señora, si usted me conociese!, sabría que no tengo ninguna pretensión en lo relativo al valor moral, o del valor artístico. En el fondo, me burlo tanto del uno como del otro.
      Todo me es casi igual en la vida, hombres, mujeres y acontecimientos. Esa es mi auténtica profesión de fe, y añado, aunque usted no me crea, que no me soporto más a mi que a otros. Todo se desdibuja en aburrimiento, broma y miseria.
      Usted dice que se rebaja ante mí escribiéndome todavía, ¿por qué? Usted ha tenido la extraña valentía de confesarme que había sido lastimada por mi carta, y de admitirlo de un modo irritado, simple, franco y encantador, que me ha llegado hondo y me ha emocionado.
      Yo le he pedido mis excusas exponiéndole mis razones.
      Usted me ha respondido todavía muy amablemente, sin ceder, mostrando su benevolencia casi mezclada con cólera. ¡Nada más natural!
      ¡Oh! se bien que le voy a inspirar una gran desconfianza. Tanto mejor, usted no quiere que nos veamos. Se sabe más cosas sobre alguien escuchándole hablar cinco minutos que escribiéndole durante diez años.
      Como es posible que usted no conozca a ninguna persona que yo conozco, pues mientras me encuentro en Paris, voy todas las noches a disfrutarlo. Usted me diría de ir tal día a tal casa ,yo iría. Si le pareciese demasiado desagradable, usted podría decidir no darse a conocer.
      Pero no se haga ilusiones sobre mi persona.
      No soy ni guapo, ni elegante, ni singular. Esto, además, debe darle a usted igual..
      ¿Acude usted a los ambientes orleanista, bonapartista o republicano?
      Yo conozco los tres.
      ¿Desea usted que me deje ver en un museo, en una iglesia o en una calle?
      Es ese caso, yo pondría unas condiciones para estar seguro de no ir a esperar a una mujer que no vaya a acudir. ¿Qué diría usted de una noche en el teatro sin que usted se de a conocer, si le parece?
      Yo le diría el número de mi palco donde estaría con unos amigos. Usted no me diría el del suyo. Y usted podría escribirme al día siguiente "Adiós señor", ¿no soy acaso más magnánimo que los guardas franceses en Fontenoy?
      Beso sus manos, señora.

      GUY DE MAUPASSANT

       En el Nuevo diario inédito de Marie Bashkirtseff, se encuentran las siguientes lineas:

       Domingo, 15 de abril.
      Quedo en casa para responder al desconocido, es decir que soy yo quien soy una desconocida para él. Ya me ha respondido tres veces. No es un Balzac que se adora completamente. Ahora yo lamento no haberme dirigido a Zola, sinó a su lugarteniente que tiene talento y mucho. Es, entre los jóvenes, el que más me ha gustado. Me levanté una buena mañana, con el deseo de hacer apreciar por un conocedor las hermosas cosas que sé decir; he buscado y lo he elegido a él.

      Viernes 18
      Como había previsto, todo ha acabado entre mi escritor y yo. Su cuarta carta est grosera y ordinaria...

      Miércoles 23
      Rosalie me ha traído del correo una carta de Guy de Maupassant. La quinta es la mejor. No estamos pues más enfadados. Y después él ha escrito en Le Gaulois un artículo encantador. Me siendo seducida. ¡Es tan divertido! Este hombre que no conozco, ocupa todos mis pensamientos. ¿Piensa él en mí? ¿Por qué me escribe?  

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A MARIE BASHKIRTSEFF

  83, rue Dulong.
[Fin avril 1884.]

      Madame,
      Je viens de passer une dizaine de jours en mer, et voilà pourquoi je ne vous ai point répondu plus tôt. Me voici revenu à Paris pour quelques semaines, avant de m'éloigner pour l'été.
      Décidément, Madame, vous n'êtes pas contente, et vous me déclarez, pour me bien montrer votre irritation, que je vous suis fort inférieur !
      Oh ! Madame, si vous me connaissiez, vous sauriez que je n'ai aucune prétention sous le rapport de la valeur morale, ou de la valeur artistique. Au fond, je me moque de l'une comme de l'autre.
      Tout m'est à peu près égal dans la vie, hommes, femmes et événements. Voilà ma vraie profession de foi ; et j'ajoute, ce que vous ne croirez pas, que je ne tiens pas plus à moi qu'aux autres. Tout se divise en ennui, farce et misère.
      Vous dites que vous vous ruinez à jamais dans mon opinion en m'écrivant encore. Pourquoi cela ? Vous avez eu le très rare esprit de me confesser que vous étiez blessée par ma lettre, de l'avouer d'une façon irritée, simple, franche et charmante, qui m'a touché et ému.
      Je vous ai fait mes excuses en vous disant mes raisons.
      Vous m'avez encore répondu fort gentiment, sans désarmer, tout en montrant presque de la bienveillance mêlée encore de colère.
      Quoi de plus naturel ?
      Oh ! je sais bien que je vais vous inspirer maintenant une grosse méfiance. Tant pis, vous ne voulez donc pas nous voir. On sait plus de choses sur quelqu'un en l'écoutant parler cinq minutes qu'en lui écrivant pendant dix ans.
      Comment se fait-il que vous ne connaissez personne des gens que je connais ; car lorsque je passe par Paris je vais tous les soirs dans le monde. Vous me diriez d'aller tel jour dans telle maison, j'irais. Si je vous paraissais trop désagréable, vous ne vous feriez point connaître.
      Mais ne vous faites pas d'illusion sur ma personne.
      Je ne suis ni beau, ni élégant, ni singulier. Cela, d'ailleurs, doit vous être bien égal.
      Allez-vous dans le monde orléaniste, bonapartiste ou républicain ?
      Je connais les trois.
      Voulez-vous me faire poser dans un musée, dans une église ou dans une rue ?
      En ce cas, je mettrais des conditions pour être sûr de ne pas aller attendre une femme qui ne viendrait point. Que diriez-vous d'un soir au théâtre sans vous faire connaître, si vous voulez ?
      Je vous dirais le numéro de ma loge où j'irais avec des amis. Vous ne me diriez point celui de la vôtre. Et vous pourriez m'écrire le lendemain « Adieu Monsieur », suis-je pas plus magnanime que les gardes françaises à Fontenoy ?
      Je vous baise les mains, Madame.

      MAUPASSANT1

      1 Dans le Nouveau journal inédit de Marie Bashkirtseff, on trouve les lignes suivantes :

Dimanche 15 avril.

      Je reste à la maison pour répondre à l'inconnu (Guy de Maupassant), c'est-à-dire que c'est moi qui suis une inconnue pour lui. Il m'a déjà répondu trois fois. Ce n'est pas un Balzac qu'on adore complètement. Maintenant, je regrette de ne pas m'être adressée à Zola, mais à son lieutenant, qui a du talent et beaucoup. C'est, parmi les jeunes, celui qui m'a plu. Je me suis réveillée, un beau matin, avec le désir de faire apprécier par un connaisseur les jolies choses que je sais dire ; j'ai cherché et choisi celui-là.

Vendredi 18.

      Comme je le prévoyais, tout est rompu entre mon écrivain et moi. Sa quatrième lettre est grossière et sotte...

Mercredi 23.

      Rosalie m'apporte de la poste restante une lettre de Guy de Maupassant. La cinquième est la mieux. Nous ne sommes donc plus fâchés. Et puis, il a fait dans Le Gaulois une chronique ravissante. Je me sens radoucie. C'est si amusant ! Cet homme que je ne connais pas, occupe toutes mes pensées. Pense-t-il à moi ? Pourquoi m'écrit-il ?...

Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/