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Jules Lemaitre (1853-1914)

Carta 480
DE JULES LEMAÎTRE A
MAUPASSANT

(original en francés)

Guy de Maupassant Carta Siguiente:481

Domingo [enero de 1888]

      Mi querido amigo,
      Acabo de leer su prefacio en el Suplemento del Figaro1 y os solicito modestamente unas explicaciones. Usted dice que el crítico debe admitir en los escritores « las tendencias... etc. » más opuestas. De acuerdo. Usted añade que no debe « apreciar el resultado más que según la naturaleza del esfuerzo » ¿Por qué no debería apreciar la naturaleza del esfuerzo por sí mismo? ¿Quiere usted prohibirle el derecho de tener sus preferencias? (Advierta que es porque Taine, Sainte-Beuve o Bourget tienen unas preferencias que son interesantes y vivas.) Finalmente, inmediatamente después de haber dicho que el crítico debe « comprender y criticar todas las tendencias », usted dice que « no debe ocuparse de ello ». ¡He aquí una bonita contradicción! A menos que usted entienda que el crítico no debe preocuparse de las tendencias para juzgarlas, lo que sería discutible, pero claro y de acuerdo con lo anterior. Únicamente haría falta decirlo. En resumen, no entiendo ni gota y me compadezco. ¡Usted, tan lúcido de ordinario! ¿Qué es a lo que ha llegado?
      Ahora que he hecho mi pequeña protesta, estoy en disposición de decir que Pierre et Jean (que he leído devotamente en la Nouvelle Revue) es una de las más hermosas cosas que usted ha hecho. Es cruel, pero verosímil, es decir auténtica. Y en cuanto a la ejecución, no ha hecho nada más claro, mejor compuesto y distribuido y más magistral. Pero espero pronto verle y decirle al mismo tiempo toda la admiración y todo el rencor que tengo en el corazón.
Atentamente.

JULES LEMAÎTTRE

       1 El prólogo de Pierre et Jean, incompletamente publicado en Le Figaro del 7 de enero de 1888. La novela salió en librerías al día siguiente.

Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


DE JULES LEMAÎTRE A MAUPASSANT

Dimanche [janvier 1888].

      Mon cher ami,
      Je viens de lire votre préface dans le Supplément du Figaro1 et je vous demande ingénuement des explications. Vous dites que le critique doit admettre chez les écrivains « les tendances ... etc. » les plus opposées. Soit. Vous ajoutez qu'il ne doit « apprécier le résultat que selon la nature de l'effort ». Pourquoi n'apprécierait-il pas la nature de l'effort même ? Voulez-vous lui interdire le droit d'avoir lui-même des préférences ? (Notez que c'est parce que Taine, Sainte-Beuve ou Bourget ont des préférences qu'ils sont intéressants et vivants.) Enfin, tout de suite après avoir dit que le critique doit « comprendre et critiquer toutes les tendances », vous dites qu'« il ne doit pas s'en occuper ». Voilà une jolie contradiction ! A moins que vous n'entendiez que le critique ne doit pas se préoccuper des tendances pour les juger, ce qui serait contestable, mais clair et d'accord avec ce qui précède. Seulement il faudrait le dire. Bref, je n'y vois goutte, et je m'en plains. Vous, si lucide d'ordinaire ! Qu'est-ce qui vous est donc arrivé ? 
      Maintenant que j'ai fait ma petite protestation, je suis à l'aise pour vous dire que Pierre et Jean (que j'ai lu pieusement dans la Nouvelle Revue) est une des belles choses que vous avec faites. C'est cruel, mais vraisemblable, c'est-à-dire vrai. Et quant à l'exécution, vous n'avez rien fait de plus net, de plus arrêté, de mieux composé et distribué, de plus magistral. Mais j'espère bientôt vous voir et vous dire à la fois toute l'admiration et toute la rancune que j'ai sur le cœur.
      A vous bien cordialement.

      JULES LEMAÎTRE

1 La préface de Pierre et Jean, incomplètement publiée dans Le Figaro du 7 janvier 1888. Le roman fut mis en librairie le lendemain.

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