Carta Anterior: 316

Guy de Maupassant

Carta 317 
A MARIE BASHKIRTSEFF
(Original en francés)

Marie Bashkirtseff  Carta siguiente: 318

  Cannes, calle del Redan, nº 1
Marzo, 1884

      Señora,
      Mi carta, seguramente, no será lo que usted espera. Quiero en primer lugar agradecer sinceramente sus palabras para conmigo y sus amables cumplidos, tras lo que vamos a hablar como gente razonable.
      ¿Usted me pide ser mi confidente? ¿A cuento de qué? Yo no la conozco. ¿Por qué tendría yo que decirle a una desconocida cuyo espíritu, tendencias y demás podrían no concordar con mi temperamento intelectual, lo que puedo decirles, de viva voz, en la intimidad a las mujeres que son amigas mías? ¿Acaso no sería un acto de atolondramiento y de inconsciencia?
      ¿Es el misterio lo que puede añadir encanto a las relaciones epistolares?
      ¿Toda la dulzura de los afectos entre hombre y mujer (entiéndanse afectos castos) no vienen acaso del placer de verse, y de murmurar mirándose, y de encontrarse, imaginándose, cuando se escribe a la amiga, los contornos de su rostro flotando entre vuestros ojos y el papel?
      ¿Cómo escribir cosas íntimas, lo más profundo de uno, a una persona de la que se ignora su aspecto físico, el color de sus cabellos, la sonrisa y la mirada?
      ¿Qué interés tendría en confiaros "esto o aquello", sabiendo que eso no provocará en usted más que una imagen de hechos poco interesantes, puesto que usted no me conoce?
      Alude usted a una carta que he recibido últimamente. Era un caballero que me pedía un consejo. Eso es todo.
      Volviendo a las cartas de las desconocidas, he recibido en los últimos dos años unas cincuenta o sesenta. ¿Cómo elegir entre todas estas mujeres a la confidente de mi alma como usted dice?
Cuando ellas quieren mostrarse y darse a conocer como en el mundo de los sencillos burgueses, pueden establecerse unas relaciones de amistad y de confianza; si no es así ¿ por qué rechazar a las amigas encantadoras que uno conoce, por otra que quizás sea encantadora, pero desconocida, es decir que puede ser desagradable, bien a nuestros ojos, bien a nuestro pensamiento? Todo esto no es muy galante, ¿verdad? Pero si me arrojo a sus pies, ¿podría usted creerme fiel a mis afectos morales?
      Perdóneme, señora, estos razonamientos de hombre más pragmático que poético, y considéreme agradecido y abnegado.

      GUY DE MAUPASSANT

      Perdón por las tachaduras de mi carta, no puedo escribir sin hacerlo y no tengo tiempo de copiarla.

      Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant


A MARIE BASHKIRTSEFF

Cannes, 1, rue du Redan.
[Mars 1884.]

      Madame,
      Ma lettre assurément, ne sera pas celle que vous attendez. Je veux d'abord vous remercier de votre bonne grâce à mon égard et de vos compliments aimables, puis nous allons causer, en gens raisonnables.
      Vous me demandez d'être ma confidente ? A quel titre ? Je ne vous connais point. Pourquoi dirais-je, à vous, une inconnue, dont l'esprit, les tendances et le reste peuvent ne point convenir à mon tempérament intellectuel, ce que je peux dire, de vive voix, dans l'intimité, aux femmes qui sont mes amies ? Ne serait-ce point un acte d'écervelé, et d'inconstant ami ?
      Qu'est-ce que le mystère peut ajouter au charme des relations par lettres ?
      Toute la douceur des affections entre homme et femme (j'entends des affections chastes) ne vient-elle pas surtout du plaisir de se voir, et de causer en se regardant, et de retrouver, en pensée, quand on écrit à l'amie, les traits de son visage flottant entre vos yeux et ce papier ?
      Comment même écrire des choses intimes, le fond de soi, à un être dont on ignore la forme physique, la couleur des cheveux, le sourire et le regard ?
Quel intérêt aurais-je à vous raconter « j'ai fait ceci, j'ai fait cela », sachant que cela n'évoquera devant vous que l'image des choses peu intéressantes, puisque vous ne me connaîtrez point ?
      Vous faites allusion à une lettre que j'ai reçue dernièrement, elle était d'un homme qui me demandait un conseil. Voilà tout.
      Je reviens aux lettres d'inconnues. J'en ai reçu depuis deux ans cinquante à soixante environ. Comment choisir entre ces femmes la confidente de mon âme, comme vous dites ?
      Quand elles veulent bien se montrer et faire connaissance comme dans le monde des simples bourgeois, des relations d'amitié et de confiance peuvent s'établir ; sinon pourquoi négliger les amies charmantes qu'on connaît, pour une amie qui peut être charmante, mais inconnue, c'est-à-dire qui peut être désagréable, soit à nos yeux, soit à notre pensée ? Tout cela n'est pas très galant, n'est-ce pas ? Mais si je me jetais à vos pieds, pourriez-vous me croire fidèle dans mes affections morales ?
      Pardonnez-moi, Madame, ces raisonnements d'homme plus pratique que poétique, et croyez-moi votre reconnaissant et dévoué

      GUY DE MAUPASSANT

      Pardon pour les ratures de ma lettre, je ne puis écrire sans en faire et je n'ai point le temps de me recopier.

Puesto en formato html por Thierry Selva:  http://maupassant.free.fr/